mercredi 18 juin 2008

Le bouc hémisphère

"Inéluctable", "La fin", "Le Fiasco", "La goutte d'eau qui fait déborder le dé à coudre", on a à peu près tout entendu sur ce France-Italie qui devait être une revanche, et qui ne fut qu'une bonne poutrade des familles en plusieurs actes.

Le coupable ?? Raymond Domenech, bien entendu... Pourtant, il n'y est pour rien. On a critiqué ses choix, son coaching, ses manières, et même sa demande en mariage post-branlée. Pourtant, le sort en était jeté, l'équipe de France ne pouvait pas aller plus loin durant cette compétition. Analysons de nouveau toutes les "pseudos" erreurs de notre sélectionneur préféré, en espérant que cela lui permette de rester 2 ans de plus à son poste.

1) "Raymond Domenech n'a jamais rien gagné" : on entend régulièrement cette phrase, bon mot de journaliste qui n'y connaît rien, sentence définitive pour tout détracteur du personnage. Pourtant, Van Basten n'a jamais rien gagné non plus, non ? Combien de sélectionneurs peuvent se targuer avoir "gagné" un Euro, une coupe du Monde, une Copa America ?? Peu, très peu... Raymond a pour lui une finale de Coupe du Monde : Lemerre, Houllier, Michel, Hidalgo ne peuvent pas en dire autant.

2) "Domenech est un intello démago, théatreux et gauchiste" : tout est dit, ce genre d'affirmation permettant au moins de distinguer le journaliste de droite du journaliste.

3) "Domenech n'a pas été foutu de virer les vieux" : après une première tabula rasa, il a dû se rendre à l'évidence qu'on ne pouvait pas faire du jeu en France sans les anciens, d'où retournage de veste, rappelage de la vieille garde. Ne voulant pas reperdre encore un an, il était alors logique que les Thuram et Makélélé (très bon) soient conservés.

4) "Niveau communication, c'est du n'importe quoi" : beaucoup ont (déjà) oublié Aimé Jacquet, Roger Lemerre, et l'oculo-monolithique Santini. Domenech a pour lui son duel à mort face aux médias italiens. Duel d'autant plus légitime que ces derniers nous ont volé la dernière coupe du monde sur un hold-up flagrant que notre héros national n'aura de cesse de dénoncer.

5) "Ne pas prendre Mexès, Trezeguet, Clichy et Sagna... c'est la honte" : les latéraux d'Arsenal étant blessés et n'ayant aucune sélection, c'était de l'hystérie d'aborder leur putative apparition dans les 23 avant l'Euro. Quant à Trezeguet, c'est un avant-centre à l'ancienne pour équipe qui font le jeu, ce qui n'est plus le cas de la France depuis 1995, donc inutile d'aborder son cas. Le problème "Mexès" reste entier. Il a pour lui 4 inconvénients majeurs : primo, les deux hommes ne s'aiment pas depuis l'équipe de France espoir, donc confier l'axe de sa défense à un tel joueur devient difficile pour Raymond.
Deuxio, Mexès, malgré ses très grandes qualités, est un défenseur "agressif" qui commet beaucoup de fautes, provoque beaucoup de pénaltys, et reçoit beaucoup de cartons rouges. Difficile alors de lui faire entièrement confiance durant toute une compétition.
Tercio, Mexès a régulièrement eu des paroles "anti-françaises" dans les médias italiens, revenant sur le fait qu'il n'aimait pas le sélectionneur, que l'équipe d'Italie était meilleure, et que la France allait perdre, comme s'il ne souhaitait que ça. En hussard du 4-5-1 gaulois, Raymond n'avait comme autre choix que de bannir le malheureux, coupable de haute trahison.
Quatro, ce que l'on sait (ou que certains disent) à propos de Philippe Mexès est une raison suffisante pour ne pas le prendre dans le groupe... Demandez aux journalistes et aux membres de l'équipe de France de vous en dire plus sur le sujet, le site n'y reviendra pas, ce n'est plus l'objet du débat.

6) "Giuly et Pirès ?? Ils sentent mauvais ??" : tout le monde a ses têtes. Vous, moi, le Pape. Même François Mitterrand avait les siennes (pourtant, on aurait pas cru). Raymond Domenech a cru bon de blacklister ces deux joueurs, libre à lui, c'est le sélectionneur. D'autres avant eux y ont eu droit, cela n'a pas empêché l'équipe de France de gagner certains titres ou de faire de bonnes compétitions, sans qu'on ait eu besoin d'aborder de façon diffamante la sexualité d'un tel ou d'un tel pour justifier une non-sélection.

7) "La demande en mariage, là, c'était le pompon, on a jamais atteint un tel niveau d'indécence" : non mais faut se calmer, hein !! Le football, c'est sympa, mais c'est pas l'avenir de la France qui est en jeu !! Prenant le contrepied total de Bill Shankly, Raymond fait sien le "All you need is love" des Beatles, et remet les choses à leur place de la plus belle des manières, à chaud, lors d'une gifle qui met pratiquement fin à sa carrière chez les Bleus. J'ai personnellement trouvé ses mots formidables, j'ai été sincèrement ému et touché par tant de fragilité, et je pense ne pas avoir été le seul (n'en déplaise à Jean-Michel "à droite ! à droite !" Larqué)

8) "le coup de garder Vieira alors qu'on sait qu'il est blessé, c'est pitoyable" : véritable leader de la nouvelle ancienne génération (celle des jeunes de 98), son impact moral sur le groupe était tel que le staff se trouvait dans l'obligation de l'amener dans les bagages. Sachant que Flamini n'aurait jamais joué une minute, il devenait alors normal de garder un Vieira même blessé mortellement, afin d'insuffler énergie et espoir au reste du groupe, et éventuellement pouvoir le faire rentrer en demi-finale.

9) "Nasri qui sort 15 minutes après être entré pour être remplacé par un mauvais défenseur, c'est un concept post-moderniste ??" : je comprends que ce choix tactique puisse choquer, l'ayant été moi-même à chaud sous le coup de l'émotion. Il a fallu le sang froid et le calme olympien d'un Raymond Domenech totalement maître de lui-même pour comprendre le cheminement du match, et savoir ce qui était bon pour l'équipe. A trois défenseurs, l'équipe était morte. Seule un re-stabilisation des lignes pouvaient nous permettre de l'emporter. En effet, sortir un milieu défensif eut été une erreur tactique grossière et impardonnable. Sa seule conséquence aurait été une victoire encore plus écrasante de l'Italie. Le choix de Nasri était donc la bonne solution.

10) "S'il ne part pas de lui-même, cela montrera bien la perversité et le manque d'honneur du personnage" : soyons sérieux, à l'heure où les salaires du football bling bling explosent le plafond, à l'heure du tout libéral, du tout mercantile, il me semble normal que le représentant footbalistique de la nation française soit suffisamment rémunéré et protégé contractuellement pour ne pas se retrouver dans le besoin du jour au lendemain. La prolongation jusqu'en 2010 était logique suite au fantastique parcours lors du dernier Mondial. Un licenciement sans indemnité (donc "pour faute") ou une démission de sa part (sûrement suite à des pressions politiques) me paraitrait choquant et injustifié, mais servirait au moins à prouver le peu de cas qu'on fait d'un technicien généreux et intègre, dont la seule faute aura été d'avoir été un peu trop "humain" et réaliste face à la situation désespérée de son équipe.

Merci Raymond !! Et rendez-vous avec toi le 9 juillet 2010 !!

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