vendredi 28 septembre 2007

« Gangs of Paname ». De la sécurité dans les stades de la région parisienne

Cyrille-Hugues, 17 ans, attaque la conversation pied au plancher : « c’est pour quel journal que t’écris ? Y aurait moyen de mettre une photo de moi ? Si tu veux, j’en ai des bonnes sur mon myspace, je possède une tête de beau gosse ». Cette gueule d’ange, cheveux châtain foncés mi-longs et sourire torturé, sait que son avenir est incertain. Il sait aussi qu’il est l’un des leaders des GDH, une bande qui terrorise la capitale depuis plusieurs mois. « On n’est pas révoltés, on n’est pas des anarchistes, j’ai trop lu de conneries dans les journaux, ça en devient hallucinant !! Si j’ai accepté de te parler, c’est surtout pour que les autres comprennent pourquoi on fait ça, et comment on en est arrivé là, voilà… ».

Genèse d'un conflit générationnel latent

Tout a commencé dans les médias il y a quelques temps lorsque « le Parisien » rapportait des incidents en tribunes lors d’un banal match entre Montreuil et Moissy-Cramayel comptant pour la 6ème journée de DH. « De là, c’est parti grave en couilles !! On a continué à se fritter jusqu’à la Gare de Lyon ». Apparaissait alors au su et au vu de tous deux termes aujourd’hui synonyme de peur et d’insécurité maximale : les «GDH» pour Gang de la Huchette (ou Grand Doigt d’Honneur), et les «Ménil Mafia» (ou Ménilmuche Mafia). Deux bandes rivales qu’a priori tout rassemble mais qu’au final tout sépare.

Il est étonnant de constater que deux groupes aussi proches socialement puissent à ce point semer le désordre dans les rues et enceintes sportives de la capitale. On les retrouve souvent au Camp des Loges pour les matchs de la réserve parisienne, mais aussi à Charlety, au Parc des Princes « pour les matchs de coupe de la Ligue ! », voire lors de certains déplacements en province (notamment à Versailles, Créteil, Evry, St Germain-en-Laye)

De nombreux sociologues se sont mis à analyser le phénomène, tel Pierre Mignac de Paris VI : « On voit pour la première fois des bandes de jeunes de type racial ouvertement défini se regrouper entre eux, exclusivement guidés par un sentiment de haine envers tout autre forme d’individus. Ils vont dans les stades uniquement pour exprimer leur violence et leur mal-être d’avoir été mis au ban de la société suite à la politique socialiste d’urbanisme des années 80 ».

Les faits sont alarmants. Y aurait-il « fracture » entre ses jeunes « blancs » et le reste de la population ? « Ils ne sont pas si différents de nous », tempère le capitaine Laurent Vissel, chargé du dossier par la préfecture de police, suite aux événements du 28 juin dernier lorsqu’un membre des Ménil Mafia aurait planté une fourchette en plastique dans l’œil d’un GDH, après un match amical entre le PSG et Mont-de-Marsan, véritable point de départ du conflit ouvert entre ces bandes. Mais le talion demeure, et trop souvent la sentence de la rue tombe :
« Quand un de nos frères tombe au combat, c’est un de leurs frères qui doit payer, c’est la règle du milieu, t’entends ? ».

Une vérité qui déroute, une de trop

Niveau culturel et scolaire, les deux gangs partagent de nombreux points communs. Généralement issus de lycées « à problèmes » délaissés par le système éducatif tels que Louis Le Grand, Henri IV et Janson de Sailly, ils ne se retrouvent que très rarement dans l’idéal parental, et ont une idée diffuse de ce qu’est la politique : « Ceux qui sont majeurs dans le gang, là, ils ont voté pour Sarkozy, obligé !! Son profile myspace déchire tout, il a mis un gif animé brutal en première page et puis il supporte le PSG ! Alors que l’autre bouffonne de l’UDF (sic), Ségopouffe, là, son blog, c’est de la merde ». Dans leur baladeurs mp3, pratiquement toujours le même style de musique (probablement piraté sur internet), de « l’émo-core », du « postpunk », et de nombreux autres groupes britanniques faisant généralement l’apologie d’une certaine violence urbaine, d’une sexualité désuète et du désenchantement propre à cette deuxième « génération X ». L’accoutrement vestimentaire fait aussi partie du bagage de la peur, et il n’est pas rare de reconnaitre un membre des GDH ou des Ménil Mafia dans les rues de Paris à son jean slim, sa veste fashion directement achetée à Londres, sa chemise en soie de grande marque, ses obligatoires « Converses », ses lunettes trop grandes pour lui, et sa coupe de cheveux dernière mode mélange entre une frange permanentée et un décalage capillaire « nuqué » à la Rudi Völler. Un accoutrement qui à défaut de provoquer un début d'érection, provoque néanmoins un émoi légitime lors d'une malencontreuse entrevue.

Que fait la police ?

Le phénomène est assez comparable à ceux rencontrés dans les années 90 entre supporters de la réserve de Chelsea et de celle de Tottenham, celui-ci est-il irrémédiablement amené à faire tâche d’huile en France ? Le capitaine Vissel infirme « non, ce n’est pas pareil bien que les milieux sociaux incriminées soient les mêmes. Les incidents ont tendance à rester aux portes de la Ligue 2, ne touchant que les divisions inférieures, notamment la CFA ». C’est ainsi qu’au cours d’un match entre PSG réserve et Villemomble, on assista à une charge des Ménil Mafia contre leurs rivaux, ils seraient venus venger l’un des leurs qui aurait été poussé dans le bus par un individu identifié comme étant un GDH. Bilan : 3 blessés légers et un doigt retourné, ainsi que plusieurs briquets et stylos retrouvés sur les lieux ou confisqués aux principaux intéressés. M. Vissel de rajouter : « La préfecture de police est sur les dents ! L’autre jour, mon supérieur a même reçu un coup de fil hystérique de Alliot-Marie, elle veut des résultats avant les municipales de l’an prochain, mais on n’y peut rien, nous ! Ils sont trop bien organisés, ont toujours un coup d’avance sur nous ». Des points d’ombres persistent pourtant dans cette histoire. Les leaders sont clairement identifiés par les services de police, de même que les faits qui leur sont reprochés. Pourtant, un certain laxisme « en haut lieu » perturbe, et des premiers soupçons viennent troubler les personnes chargées du dossier, tel qu’un policier qui nous parle sous couvert d’anonymat : « Les individus susnommés derechef sont libérés moins de quelques heures après chaque interpellation ! On dirait que quelqu’un fait tout pour laisser pourrir la situation en les faisant libérer systématiquement, ou pire, est dans le coup ! Comment vous voulez qu’on fasse après ? On n’y peut rien, nous ! Ils sont trop bien organisés… un peu comme s’ils avaient toujours un coup d’avance sur nous ». Accablant.

Quant au milieu du foot, il semble serein. Jean-Pierre Escallettes nous affirmant avec son parler bien à lui : « c’est pas deux pékins qui vont nous faire peur ! Ne demandez pas à la FFF de résoudre un truc pareil, c’est le boulot des flics. J’en ai déjà assez avec Aulas qui me casse les couilles pour m’occuper en plus d’une bande de dégénérés ». Les responsabilités sont donc rejetées.

Vers un début de solution ?

Non...

A cause des garçons...

Par Symon Filippe, critique culturel

« A cause des garçooooons, on se crèpe le chignooooon », nous hurle Yelle, petit phénomène branchouille parisien, d’une voix égrillarde de poissonnière du port du Havre. Enfin, c’est dit, une bonne fois pour toute, les « filles » se disputent entre elles à cause des « garçons ». J’en reste sans voix, pantelant, assommé par la vérité nue finalement révélée à mon esprit masculin obtus et dénué de finesse.

Et c’est là que je me rends compte qu’en fait j’ai rien compris à la vie. A force de lire des romans et des pièces de théâtre, j’en étais venu à penser que les choses se passaient de la manière suivante : une « fille » et un « garçon » se rencontrent, ils s’éprennent l’un de l’autre, éventuellement se prennent l’un dans l’autre. Parfois même ils arrivent à communiquer, et donc à apprendre des trucs rigolos sur l‘autre sexe, ce qui leur permettra de mourir moins cons, c’est déjà ça.

Et puis comme ça doit finir mal, sinon c’est pas drôle, y’en a toujours un qui fait une connerie, en général le garçon (mais les conneries, c’est comme les clopes et l’alcool, les filles sont en train de nous rattraper sévère, bientôt elles aussi auront le droit de mourir seules d’un cancer du poumon et d’avoir que trois copines de bar présentes à l’enterrement). Et là, tragédie, pleurs et lamentations diverses, parfois opportunément agrémentés d’un petit suicide pour les quelques non-végétariens qui restent. C’est en général à ce stade qu’entrent en scène les copains et les copines, champions toutes catégories en lieux communs du genre « il/elle ne te valait pas », « un/une de perdu(e), dix de retrouvés », « au fait, t’as toujours son numéro ? ». Enfin, vous voyez le style.

Je m’égare. Pour résumer, et somme toute, les copains et les copines dans les histoires d’amour, je pensais que c’était comme les chœurs dans les comédies musicales : on les remarque pas la plupart du temps mais y’a quelques scènes où quand même, ça en jette !

Heureusement, Yelle m’a ouvert les yeux. Faut dire que j’avais pas vraiment d’excuses : quelques centaines d’épisodes de Friends, l’intégrale de Sex and the City en DVD et au moins 50 pages du Diable s’habille en Prada (après je me suis dit qu’il valait mieux que je lise le catalogue de la Redoute, au moins y’a des trucs que je peux me payer, et puis il y a des photos de jolies madames en tenue affriolante…). J’aurais dû comprendre. Pardon. Mea Culpa.

Car enfin, c’est pourtant évident. Le problème dans la vie, ce n’est pas que les hommes et les femmes persistent depuis des millénaires à vouloir vivre ensemble avec la même obstination qu’ils mettent à ne pas se comprendre. Non, la vraie question, le vrai drame social, c’est que les filles se disputent à cause des garçons. Depuis les siècles que cela dure, combien d’amitiés brisées, combien de bandes de copines démantelées, combien de séances de shoppings gâchées, combien d’adresses MSN effacées, combien de petits mots sur l’agenda passés au Tipp-Ex ? Qui parlera des séances d’épilation collective qui n’auront jamais lieu ? Qui évoquera ces textos vengeurs, ces « tu n’es plus ma copine », ces regards évités et ces gloussement méprisants en soirée ?

Je m’en rends compte maintenant, c’est on ne peux plus clair. C’est un complot planétaire. Tous ces artistes qui ont écrit, peint, et chanté l’amour, les statues grecques, Shakespeare et Marivaux, Flaubert et Mme de la Fayette, Botticelli et Picasso, Elvis et les Rolling Stones, tous nous ont menti ! Où étaient-ils, les Ronsard, les Baudelaire et les Rimbault, quand des centaines de femmes s’éloignaient l’une de l’autre dans l’anonymat ?

Et tout ça à cause des garçons. Tout ça à cause de l’amour en fait. Tant d’énergie gâchée, tant de bonheur perdu. Il faut mettre fin à cette tromperie. La lutte ne fait que commencer mes amis ! Maintenant, partout on parlera des copains et des copines. On écrira des livres sur les séances de shopping, on fera des chansons pour parler de nos potes et on montera des pièces rien que pour parler de nos petites histoires à nous. Ce sera génial !...

Hein… quoi… Ah, on me signale que ce serait déjà le cas…

Ah bon.