dimanche 7 octobre 2007

Chronique ta mère !!

EXPOSITION DU CAS CLINIQUE

Au gré de mes pérégrinations sur le net, j'aime à humer le nectar dionysiaque de cette nouvelle ère du journalisme, ce "cyber donnage d'opinion" qui est bien joli, bien sympa, bien qu'il ne dise pas ce qu'il est vraiment, à savoir du "e-café du commerce"

Je ne résiste pas à l'envie de vous mettre en quasi-intégralité la critique de l'album d'un groupe pas très connu, dont j'ai découvert, effaré, le contenu : implacable, absurde, apocalyptique, définitive... une petite perle en 2 blocs :
75% de "c'était-mieux-avant style" en début d'article, puis l'auteur finit par faire référence au groupe (surement malgré lui) lors d'un dernier quart que je préfère ne pas vous rapporter qui se résume à "c'est pas mal mais en fait non, mouarf, pas super original, pfff, rien à foutre, chiant, au revoir".

PREMIERS SYNDROMES

(ce qui suit ne relève pas de la responsabilité du site, ni de la législation française en matière pénale)

Je ne sais pas si cela vient de moi mais ces temps ci, il n'y a pas un album, un artiste qui réussisse à me passionner vraiment. Certes, j'écoute nombre de choses récentes avec plaisir et curiosité, toujours friand de découvertes et de frisson mais pourtant, rien n'y fait. Mon oreille reste distraite, pour ne pas dire distante et les ritournelles du moment que distille patiemment ma platine cd ne me font pas vibrer.

Pourtant il y a de bonnes choses, agréables à écouter, sautillantes ou plus mélancoliques mais rien qui sache me prendre aux tripes, ni au coeur.

Je trouve en fait que les compositions actuelles manquent cruellement d'intensité dramatique ou de puissance ou les deux en même temps. Il manque ce quelque chose qui vous transporte, vous vide l'esprit ou vous fait réfléchir, ce truc qui fait que l'on s'identifie à une époque plus qu'à une autre.

En fait j'ai peur que la production musicale suive le chemin de la facilité, comme le cinéma finalement avec une production essentiellement légère et si possible comique. Vous voyez le genre. Un truc capable de vous donner le sourire mais incapable de vous redonner espoir. La chanson qui vous fait danser sur place mais pas avancer d'un pas. Le truc pas chiant et pas prise de tête, à la limite du consensuel quand on sent qu'il se voudrait secrètement plus osé.



DIAGNOSTIC VITAL

Un rapide diagnostic du patient nous montre qu'outre une tendance à la dépression post-adolescente, avec son lot de "argghh, pourquoi quand j'écoutais Pearl Jam à 15 ans, ça me faisait bander, et pourquoi maintenant à 35 ans, j'ai une demi-molle par an ?" et de "bordel, mais vous voyez pas ce qui se passe ?? Pourquoi la musique est de moins en moins intéressante ??" (soit un cocktail : égotisme pathologique + absence d'appréhension du monde extérieur), celui-ci tend quand même à nous apporter un éclairage sérieux et 1er degré sur la dure et vraie réalité réelle (et véridique) d'aujourd'hui, soit : avant, les gens avaient un rapport non-mercantile à la musique, au cinéma, et à l'art en général, alors que maintenant, c'est plus que du prédigéré, du tout consensuel, du COM-MER-CIAL... Maintenant, l'art (avec un petit "a") c'est fait pour les gamines de 12 ans qui écoutent Tokio Hotel, alors qu'avant, l'Art, c'était un vrai truc de dandy, les gars, ils étaient chirdés dans leur tête, tu vois ??

Il est en effet évident que des noms comme Sheila, les Rolling Stones (post-67... 65 ?), Claude François, Eric Clapton, Dire Straits, Rod Stewart, Supertramp, Alice Cooper (c'est les premiers qui me viennent) ne furent que des vues de l'esprit, de simples malentendus... Car, NON, à cette époque-là, les maisons de disques étaient philanthropes, le pékin moyen avait une large collection de musique expérimentale, et les rapports étaient avant tout basés sur l'autogestion et le non-mercantilisme (révolutionnaire, cela va de soit)

Un commentaire à mettre en parallèle avec celui de l'une de mes (pourtant) idoles, Jules-Edouard Moustic, qui déclarait, lors d'une très bonne émission rétrospective des années 90 sur Arte (Graffiti 90, je crois), que "le rock est mort en 1994 avec la mort de Kurt Cobain... maintenant, pfffff... Actuellement, je ne m'intéresse plus qu'au rap".
Ouais !! Il a bien raison !! Maintenant, les gars, avec leurs guitares électriques, et tout, là, machin, là... ils se suicident même plus les jeunes !! Les gars, ils vendent des mp3, ils font glingling, ils se tapent des meufs, mais ils se suicident pas !! Ils sont plus rock'n'roll, plus dans l'esprit, pas comme nous en 1979, quand on tripait sur du vrai punk qui tache... euh, genre Telephone, quoi.
On rajoutera, en outre, que le milieu actuel du rap/hip hop/r'n'b est un modèle du genre pour ce qui est de la création, de l'originalité, de l'absence de reprise éhontée de samples (voire chanson intégrale) de funk et soul, et de non-recherche de l'argent à tout prix, au profit d'un rapport purement désintéressé, à la limite du nihilisme.

Mais revenons à notre malade. Comment en est-on arrivé là ? Est-ce un appel à l'aide ou le pamphlet de trop ? Pourquoi un tel déferlement de mal être dans un si petit corps ?


DEBUT DE SOLUTIONNEMENT

La solution est là, sous nos yeux, en début d'article: "Je ne sais pas si cela vient de moi". Schématisons :

- X a 13-14-15 ans (rayez les mentions inutiles), et découvre [groupe de pop] en même temps que son irrépressible attirance pour le sexe opposé (ou pas).
- X se met à écouter plein de disques de tas de groupes, et acquiert au bout de seulement 3 ans une impressionnante discographie de 14 cds !!
- X va de claques en claques, et se dit "putain, mais la musique, quand même..."
- X va à la fac, s'intéresse à plein d'autres trucs, commence à bosser, à avoir des rapports sexuels (ou pas), mais tarde à se rendre compte que le monde de son adolescence n'a pas vraiment à voir avec celui des adultes, et que tout ce qu'il croyait n'est plus, que les gens sont souvent décevants et facilement capables de faire le contraire de ce qu'ils disent (et inversement)
- X vieillit mais se croit encore jeune. Il est quasiment encore plus réac que ses parents, boit moins (ou pas), mais pense encore que la douce lueur de la musique lui taquine toujours l'épaule, comme aux plus belles heures de sa prime jeunesse.

En résumé, X, à mesure qu'il n'est plus ce doux adolescent boutonneux d'autrefois, devient un adulte incapable de ressentir la moindre émotion, ou en tout cas, pas les mêmes qu'avant. Il se persuade que c'est la musique qui a changé, alors que c'est seulement lui qui a maladivement évolué (muté ?). Ayant acquis un minimum de culture musicale, il va immédiatement identifier les influences des nouveaux groupes qu'il écoute, et s'il n'y en a pas, il ne pourra s'empêcher de leur en attribuer...

Le rapport à ces anciennes idoles va être ambivalent :
1) un déni mélangé à de la haine (en poudre). Il trouve tout à chier, il n'a "jamais écouté ça de [sa] vie", il ne comprend pas comment ce cd des Guns&Roses s'est retrouvé là.
2) un culte nostalgique et définitif aux albums qui ont façonnés son adolescence. A 15 ans, il les trouvaient très bons ; maintenant, ils sont seulement parfaits, uniques, insurpassables. Bien entendu, si ces groupes sortaient ces cds de nos jours, ils ne trouveraient pas grâce à ses yeux, trop peu originaux, défaillants émotionnellement, voire ridicules. S'est creusé dans sa tête un fossé entre un passé génial et un présent insipide. Nostalgie, quand tu nous tues...


TRAITEMENT

Pour le bien du patient, je ne peux que conseiller un abandon pur et simple du chroniquage de disques, afin d'éviter de probables épisodes suicidaires ainsi que l'incompréhension totale de ses éventuels lecteurs (ou pas). Le fait de ne pas avoir su garder une partie de son âme d'adolescent le frustre, et lui rappelle régulièrement qu'il ne sera jamais un artiste (rajoutant encore à la frustration).
Je l'encourage à se tourner vers de nouveaux domaines plus gratifiant tels que le macramé, le rugby à 13 ou la politique. Par la suite pourrait aussi lui être prescrit une cure de vitamine E, une alimentation équilibrée, ainsi qu'une bonne douche.

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