vendredi 28 septembre 2007

A cause des garçons...

Par Symon Filippe, critique culturel

« A cause des garçooooons, on se crèpe le chignooooon », nous hurle Yelle, petit phénomène branchouille parisien, d’une voix égrillarde de poissonnière du port du Havre. Enfin, c’est dit, une bonne fois pour toute, les « filles » se disputent entre elles à cause des « garçons ». J’en reste sans voix, pantelant, assommé par la vérité nue finalement révélée à mon esprit masculin obtus et dénué de finesse.

Et c’est là que je me rends compte qu’en fait j’ai rien compris à la vie. A force de lire des romans et des pièces de théâtre, j’en étais venu à penser que les choses se passaient de la manière suivante : une « fille » et un « garçon » se rencontrent, ils s’éprennent l’un de l’autre, éventuellement se prennent l’un dans l’autre. Parfois même ils arrivent à communiquer, et donc à apprendre des trucs rigolos sur l‘autre sexe, ce qui leur permettra de mourir moins cons, c’est déjà ça.

Et puis comme ça doit finir mal, sinon c’est pas drôle, y’en a toujours un qui fait une connerie, en général le garçon (mais les conneries, c’est comme les clopes et l’alcool, les filles sont en train de nous rattraper sévère, bientôt elles aussi auront le droit de mourir seules d’un cancer du poumon et d’avoir que trois copines de bar présentes à l’enterrement). Et là, tragédie, pleurs et lamentations diverses, parfois opportunément agrémentés d’un petit suicide pour les quelques non-végétariens qui restent. C’est en général à ce stade qu’entrent en scène les copains et les copines, champions toutes catégories en lieux communs du genre « il/elle ne te valait pas », « un/une de perdu(e), dix de retrouvés », « au fait, t’as toujours son numéro ? ». Enfin, vous voyez le style.

Je m’égare. Pour résumer, et somme toute, les copains et les copines dans les histoires d’amour, je pensais que c’était comme les chœurs dans les comédies musicales : on les remarque pas la plupart du temps mais y’a quelques scènes où quand même, ça en jette !

Heureusement, Yelle m’a ouvert les yeux. Faut dire que j’avais pas vraiment d’excuses : quelques centaines d’épisodes de Friends, l’intégrale de Sex and the City en DVD et au moins 50 pages du Diable s’habille en Prada (après je me suis dit qu’il valait mieux que je lise le catalogue de la Redoute, au moins y’a des trucs que je peux me payer, et puis il y a des photos de jolies madames en tenue affriolante…). J’aurais dû comprendre. Pardon. Mea Culpa.

Car enfin, c’est pourtant évident. Le problème dans la vie, ce n’est pas que les hommes et les femmes persistent depuis des millénaires à vouloir vivre ensemble avec la même obstination qu’ils mettent à ne pas se comprendre. Non, la vraie question, le vrai drame social, c’est que les filles se disputent à cause des garçons. Depuis les siècles que cela dure, combien d’amitiés brisées, combien de bandes de copines démantelées, combien de séances de shoppings gâchées, combien d’adresses MSN effacées, combien de petits mots sur l’agenda passés au Tipp-Ex ? Qui parlera des séances d’épilation collective qui n’auront jamais lieu ? Qui évoquera ces textos vengeurs, ces « tu n’es plus ma copine », ces regards évités et ces gloussement méprisants en soirée ?

Je m’en rends compte maintenant, c’est on ne peux plus clair. C’est un complot planétaire. Tous ces artistes qui ont écrit, peint, et chanté l’amour, les statues grecques, Shakespeare et Marivaux, Flaubert et Mme de la Fayette, Botticelli et Picasso, Elvis et les Rolling Stones, tous nous ont menti ! Où étaient-ils, les Ronsard, les Baudelaire et les Rimbault, quand des centaines de femmes s’éloignaient l’une de l’autre dans l’anonymat ?

Et tout ça à cause des garçons. Tout ça à cause de l’amour en fait. Tant d’énergie gâchée, tant de bonheur perdu. Il faut mettre fin à cette tromperie. La lutte ne fait que commencer mes amis ! Maintenant, partout on parlera des copains et des copines. On écrira des livres sur les séances de shopping, on fera des chansons pour parler de nos potes et on montera des pièces rien que pour parler de nos petites histoires à nous. Ce sera génial !...

Hein… quoi… Ah, on me signale que ce serait déjà le cas…

Ah bon.

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